Hanayo regardait tomber la fine pluie derrière la fenêtre de son bureau. Gris, il n'aidait pas à la gaieté et penser que de pauvres personnes devaient tout de même besogner sous cette eau incessante la rendait un peu triste. Alors qu'elle pouvait finir sa paperasse au sec, d'autres devaient travailler dur pour gagner leurs pains. Pourtant, il lui rappelait de vagues souvenirs.
Elle soupira, puis se détournant lentement, revint à petits pas vers sa chaise et s'y laissa tomber. Elle regarda d'un oeil noir les papiers soi-disant "importants" qu'elle devait terminer pour le lendemain. Il fallait à longueur de temps remplir des feuilles et des feuilles de traités, de pactes ou simplement de réclamations. Cela la vidait complètement de ses forces.
- Quelque chose te chagrine, ma belle? Demanda soudain Juzo. Ce petit surnom était devenu affectif au fil du temps, Hanayo n'y prêtait plus guère d'attention particulière, se disant juste qu'il devait être comme cela avec toutes les autres femmes.
- C'est juste ce temps qui me rend mélancolique...
Et effectivement, ce temps la rendait plus que mélancolique. Dans sa jeunesse, elle serait sortir courir, tournoyer et surtout chanter sous la pluie, ne faisant attention qu'à son mince équilibre. Désormais elle devait s'occuper de la paperasse et faire attention à l'image qu'elle donnait d'elle.
- Si ce n'est que cela, pourquoi ne pas faire autre chose? Lâcha tout bonnement le jeune homme présent dans la pièce, avec un petit sourire en coin. Rien n'est plus attrayant que la pluie tu ne trouves pas?
Hanayo réfléchit au sens plutôt bizarre des paroles de son garde du corps, et ami. On aurait dis qu'il lisait dans ses pensées comme dans un livre ouvert.
- Que veux-tu dire par là Juzo?
Il se tourna vers elle et lui répondit par une sorte de sourire entendu. Elle ne comprenait pas toutjours la signification des gestes et des paroles de cet homme pour le moins mystérieux.
- Allez, laisse cette paperasse et suis moi!
Il la leva sans ménagement de sa chaise et l'emmena dans la rue. De là, courant à moitié sous les gouttes d'eau, il prit une ruelle à gauche, puis tourna à droite quelques minutes plus tard. Ils se retrouvèrent bien vite près de la rivière, à couvert d'arbres planter ici et là par les vents. Bientôt complètement hors de vue, ils débouchèrent dans une petite clairière illuminée par un bref rayon de soleil mourant. De petites fleurs orangées parsemaient l'herbe assez haute.
Hanayo était émerveillée par cet éblouissant spectacle, par la beauté si simple de la nature. Juzo sourit puis éclata de rire. Il se mit à virevolter en tout sens, ne craignant point la pluie ni le froid. La jeune femme resta interdite quelques minutes avant de laisser la petite fille reprendre le dessus. Elle courut en direction du jeune homme et commença à tourbillonner telle le vent voulant éviter l'eau dégoulinant du ciel.
Elle ria tout son soûl, ne s'arrêtant de danser qu'au crépuscule. Tous deux, complices de cet instant de folie pure, repartir vers la maison familiale, se sécher et écouter sagement les réprimandes de la gentille Mme Kashikoi, l'intendante de la demeure.