C'était une belle matinée d'été. Le soleil se pointait timidement à l'horizon, réchauffant la terre de ses rayons. Il ne faisait pas encore chaud, comme il allait le faire cet après-midi. Mokuren en profita donc pour aller se promener avec Yuki, le louveteau qu'elle avait recueilli à la naissance juste après la mort de la louve qui avait élevé Mokuren. Le jeune loup blanc avait deux ans maintenant, il avait bien grandi mais restait très joueur. Son jeu favori était de courir après les écureuils et les oiseaux. Mokuren le laissait faire, il fallait bien qu'il se défoule. Tant qu'il ne blessait pas les animaux ça allait. Mokuren portait son yukata habituel, celui brodé de fleurs de magnolia, elle en portait d'ailleurs une dans ses cheveux de jais. Tout en marchant et en surveillant Yuki, elle contemplait la forêt matinal, cela sentait bon la rosée, l'air était frais, agréable. Les fleurs s'ouvraient timidement aux premiers rayons du soleil. Vraiment, la nature était magnifique en cette saison. Mokuren s'y sentait parfaitement à l'aise, elle y avait tout de même vécu les cinq premières années de sa vie, avec les loups. À propos de loup. Yuki se mit soudainement à courir vers une jeune femme qui marchait aussi dans cette forêt et lui sauta dessus comme un petit chien.

- Yuki! En voilà des manières! Veux-tu bien venir ici petit voyou!

Le jeune loup revint vers sa maîtresse et Mokuren s'avança vers la jeune femme.

- Veuillez l'excuser. Il est jeune et ne se rend pas toujours compte de ce qu'il fait.

Ma vie à Droto était plutôt monotone, c'est pour cela que je partais régulièrement seule me balader. Ces sorties m'aidaient aussi parfois dans mon étude de l'élément Air en fonction du lieu où j'allais. Ce coup-ci, j'avais décidé de partir pour plusieurs jours en direction de Hotadraga. Après un long moment dans les montagnes, j'étais enfin arrivée à la forêt située au Nord-Ouest de la ville. Je ne marchais pas depuis longtemps, le jour se levait à peine. Les premiers bruits de la nature se faisaient entendre. Je m'étais jusque là sentie bien seule. Malgré ça je savais que Kūki n'était pas bien loin. Il m'avait suivi sans même que je le sache. Je l'avais vu apparaître le premier soir au moment où je me préparais à manger. Il marchait très peu avec moi, je le voyais surtout une fois la nuit tombée, au moment de dormir. Tous les matins, quand je me réveillais, il avait déjà disparu.
Je repensais à ma flûte qui se trouvait dans mon sac. La veille, j'avais été trop fatigué pour en jouer. J'avais l'impression de ne pas l'avoir touché depuis une éternité. Des mélodies me venaient en tête et je du lutter pour ne pas m'arrêter et sortir mon instrument.
Alors que j'étais perdu dans mes pensées, je senti un poids arriver sur moi. Je perdis mon équilibre, me rattrapant de justesse à un arbre. Alors que je commençais à avoir peur, je vis que cet animal, qui n'était autre qu'un jeune loup, ne voulait rien de plus que s'amuser. Il continuait de me sauter dessus tel un chien sur son maître.
Une belle jeune femme arriva à sa suite. Elle le rappela immédiatement à l'ordre et Yuki, comme elle le nomma, obéit sans plus tarder. Elle était confuse de l'attitude de son compagnon et s'excusa platement.

-Oh! ne vous inquiétez pas, il ne m'a pas blessé, il m'a seulement bien surpris! J'étais plongée dans mes pensées et je ne vous ai pas du tout entendu. Vous venez de Hotadraga? Mais excusez moi, je ne me suis même pas présentée. Je m'appelle Mafurude Yasu et je viens de Droto.

Mokuren fut soulagée d'entendre les mots de la jeune femme.

- Tant mieux si il ne vous a pas fait mal. Même si il est un loup, il se comporte plus comme un petit chien. Il n'a que deux ans et reste très joueur.

La jeune femme lui demanda ensuite si elle venait de Hotadraga et se présenta.

- Oui, en effet. Je viens de Hotadraga. Je me présente, Mokuren Saku. Enchantée Mafurude. Puis-je vous appelez par votre prénom?

Mokuren s'inclina respectueusement et se rendit compte que Yuki était de nouveau parti. Le cherchant des yeux, elle le vit la tête enfouie dans un terrier. La jeune femme l'appela d'une voix forte et le jeune loup revint, quittant son jeu un peu à contrecoeur. Yuki se mit à frotter son poil blanc, devenut ocre à cause de la poussière, avec sa patte avant, un peu à la façon d'un chat. Pendant que le jeune loup faisait sa petite toilette, Mokuren se mit à le sermonner dans le langage des loups, sans le gronder vraiment. Elle n'arrivait jamais à lui en vouloir pour ses petites fugues et ses frasques. Il é tait jeune et plein de vie. Il fallait tout de même qu'il en profite. Et le voir aussi vivant faisait plaisir à voir.
Mokuren se tourna vers Mafurude, qu'elle avait un peu oublié.

- Excusez-moi, je parlais à mon loup.

L'attitude du jeune loup me faisait maintenant beaucoup rire. Alors que j'autorisais Mokuren à m'appeler par mon prénom, son compagnon partit fouiller un trou renfermant sûrement un petit animal. Celle-ci le rappela une fois de plus à l'ordre avec une voix un peu plus sévère. Et alors que Yuki nettoyait un peu sa fourrure à coups de langue, Mokuren se mit à faire d'étranges bruits, tout en le fixant. Je cru d'abord qu'elle s'étouffait mais en écoutant mieux, je m'aperçus que les sons qu'elle émettait ressemblaient plus à de légers glapissements accompagnés de petits grognements. Si j'avais fermé les yeux, j'aurais pu croire que Yuki était à l'origine de ses bruits. Ses lèvres ne bougeaient que très légèrement mais je percevais maintenant très bien tout ce qui en sortait. Alors que je commençais à me sentir très mal à l'aise, Mokuren se tourna enfin vers moi pour s'excuser une fois de plus mais pour une toute autre raison. Ce qu'elle me dit me parut tellement insensé qu'au début, j'étais certaine d'avoir mal compris. Pourtant, je l'avais moi même remarqué: tous les étranges bruits qu'elle avait émis rappelaient ceux d'un loup... Mokuren pouvait communiquer avec son animal.
Encore sous le choc, tout en essayant de le cacher de mon mieux, je réussis à répondre:

-Il n'y a pas de problème, je vous en pris.

Je ne savais plus si je devais tout simplement être curieuse et lui demander de m'expliquer comment cela était possible ou plutôt, me débrouiller pour me débarrasser d'elle et continuer mon chemin loin de cette étrange femme. Alors qu'elle me fixait sans rien dire, son regard me poussa finalement à choisir la première option.

-Ça me gène un peu de vous demander ça, mais comment pouvez-vous parler à votre loup? J'adore les animaux et j'ai déjà vu plusieurs personnes qui avaient une relation vraiment très proche avec eux, mais jamais aucune n'arrivaient à communiquer avec son compagnon!

Mafurude avait plutôt l'air mal à l'aise. C'était plutôt normal, ce n'est pas tout les jours que l'on voit quelqu'un parler à un loup. Ce fut ensuite Mokuren qui se sentit mal à l'aise en entendant Mafurude lui demander comment cela se faisait qu'elle pouvait parler à Yuki. Elle se demandait si elle pouvait lui dire qu'elle avait élevée par des loups. Tout le monde à Hotadraga était au courant et était habitué au fait qu'elle avait vécu avec des loups, c'était même un peu la fierté de Mokuren. Mais Mafurude venait de Droto. Allait-elle accepter cela? Elle n'avait pas l'air méchante en tout cas. Finalement, Mokuren se décida à le lui dire.

- Eh bien... En fait, j'ai vécu les cinq premières années de ma vie avec des loups. Et j'ai appris leur langage avec eux...

Mokuren la fixa en attendant de voir sa réaction.

Bien entendu, en posant cette question, je m'attendais à une réponse totalement délirante. Mokuren, malgré un petit moment d'hésitation, fut très brève mais directe. Je restait une fois de plus à ne pas savoir quoi dire. Décidément, je connaissais cette jeune femme depuis seulement quelques minutes mais elle avait déjà réussi à me déconcerter deux fois.
Comment un enfant avait il pu être élevé pas des loups? Ce genre d'histoire n'existe que dans les légendes. Peut être aurais-je du choisir de me taire finalement... Mais au point où j'en étais, je ne pouvais plus faire demi-tour. De plus, il me fallait aller jusqu'à Hotadraga et une fois là bas, une personne pour m'aider ne serait pas de refus. Et même si cette fille était un peu folle, elle était pour l'instant très sympathique et ne m'avait pas l'air très dangereuse. Pourtant son loup avait tout de même donné l'impression de l'écouter et de la comprendre.
Le doute s'installait à nouveau en moi... Mais non! Je n'avais pas le temps pour un débat intérieur. J'en apprendrai sûrement plus par la suite.

-Désolée de mon temps de réaction, mais c'est une nouvelle plutôt surprenante... Je n'avais jamais entendu une telle histoire. Peut être pourrions-nous continuer à parler tout en marchant vers Hotadraga? Enfin, seulement si vous rentrez déjà!

J'étais encore trop nerveuse, il fallait absolument que je me calme. Si cette femme avait vraiment été élevé par des loups, elle devait très bien sentir ma gène. C'était la première fois de ma vie qu'une personne me mettait aussi mal à l'aise; je n'avais pas ce genre de réaction habituellement.

Lorsque Mokuren lui donna sa réponse, Mafurude semblait encore plus déconcertée et mal à l'aise. Elle le comprenait bien, mais elle commençait à se demander si Mafurude ne la prenait pour une folle sortie de l'asile. Il était vrai que cette histoire d'avoir vécu parmi les loups pouvait paraître délirante mais c'était la stricte vérité. Seulement, les gens peinaient parfois à y croire.
Mafurude ne répondait qu'après un instant de réflexion.

- Ne vous excusez pas. Je comprend que cela vous ait déconcerté.

Elle demanda ensuite si elles pourraient continuer de parler en marchant vers Hotadraga. Elle avait plutôt l'air pressée d'aller là-bas, ce qui intrigua Mokuren. Elle ne le laissa pas paraître, après tout, ce que Mafurude voulait faire à Hotadraga ne la regardait pas.
Elle regarda ensuite le soleil qui montait bien vite.

- Justement, j'ai des choses à faire à Hotadraga. Donc nous pouvons parler en marchant.

Sans attendre sa réponse, elle prit déjàla direction de la ville, Yuki courant devant. Elle marcha lentement, attendant un peu Mafurude et jetant quelques regards derrière elle pour voir si elle suivait.

Directement après avoir accepté, Mokuren se dirigea vers Hotadraga. Je respirais un grand coup avant de la suivre.
Nous marchâmes un moment en silence, regardant Yuki courir devant nous. Alors qu'il y avait encore quelques minutes j'hésitais à m'éloigner au plus vite de cette jeune femme, un flot de questions me venait maintenant. Le choc était passé. Ma raison passait alors après cette histoire tellement fascinante. Moi qui rêvais de ce genre de vie, je ne pouvais qu'être tentée de la croire.
Mais l'attaquer avec toutes mes questions aurait bien sûr été très impoli.
Je ne savais pas vraiment si le trajet jusqu'à Hotadraga était long mais je décidais de relancer la discussion sur un tout autre sujet:

-Êtes-vous déjà venu à Droto? C'est une ville très sympathique! Nous voyons passer beaucoup de gens avec le port. Le seul défaut c'est quand le vent se met à souffler, il est alors fortement conseillé de rester chez soi. Personnellement je viens régulièrement à Hotadraga, je suis en train de travailler sur ma première maitrise de l'élément Air et partir dans la nature pendant plusieurs jours m'aide beaucoup. Je suis alors seule et au calme. De plus, la distance entre Droto et Hotadraga convient parfaitement pour cela.

Je commençais à me sentir un peu plus détendue. Je ne savais pas encore si Mokuren et moi allions rester ensemble une fois arrivé en ville mais j'espèrerais fortement avoir le temps de réengager la conversation sur son enfance.
Je repensais tout d'un coup à Kūki. Je ne savais pas du tout s'il se cachait quelque part dans les arbres ou s'il était parti se nourrir plus loin dans la forêt. Mais je me doutais qu'avec la présence de deux inconnus, ce dernier n'apparaîtrait pas de sitôt.

Tout en marchant, Mafurude parla de Droto à Mokuren qui l'écouta attentivement.

- Eh bien non, je n'ai pas encore eu l'occasion d'aller à Droto. Mais peut-être irai-je un jour lorsque Yuki sera adulte.

Mokuren regarda un instant le jeune loup jouer avec un papillon. Il était le dernier petit né de la louve qui avait élevé Mokuren. Elle veillait sur lui comme elle l'avait promis à sa mère louve. Il était un peu comme son petit frère.
Mokuren écouta la suite des paroles de Mafurude avec attention.

- D'après ce que j'entend, vous êtes une adepte du Lotus Blanc. J'en suis une moi aussi et j'ai atteint ma première maîtrise de l'élément Terre il y a deux ans maintenant.

Mokuren trouvait Mafurude de plus en plus sympathique, même si elle avait bien cru que la feune femme allait prendre ses jambes à son cou en entendant son histoire. Beaucoup avait fui en la voyant parler avec les loups ou lorsqu'ils avaient entendu son histoire à son arrivée à Hotadraga. Ils l'avaient sûrement prise pour une folle. Mais elle ne l'était pas, elle avait seulement vécu un autre début de vie qu'eux.
Mafurude n'avait pas fui justement et c'était surtout cela qui plaisait à Mokuren, même si elle le montrait peu.

- Voudriez-vous que je vous fasse visiter Hotadraga?

Mokuren n'était jamais allée à Droto mais par contre elle appartenait elle aussi au Lotus Blanc et surtout, elle proposait de me faire visiter Hotadraga. Malgré mes nombreux voyages, je réalisais que cette ville m'était presque inconnue. Quand j'arrivais, j'avais pour habitude d'aller dans une petite rue à l'est de la ville Basse où je pouvais trouver des vivres pour mon retour puis je repartais directement monter ma tente à l'orée de la forêt. Souvent je restait là quelques jours puis repartais pour Droto.
J'acceptais donc avec joie la proposition de Mokuren ! Nous allions bientôt arriver à Hotadraga et le soleil n'était pas encore très haut dans le ciel. J'aurai largement le temps de monter mon camp après cette visite guidée.

-Si vous voulez bien, pour vous remercier, je vous invite à manger à le fin de notre petit tour. Vous n'êtes vraiment pas obligée d'accepter, c'est seulement si vous avez du temps libre.

Cette femme étais calme, elle ne parlait pas beaucoup et ceci me plaisait. Je m'amusais à regarder son jeune loup pendant les moments de silence.
J'espérais qu'elle accepte, je tenais vraiment à pouvoir parler un peu plus avec elle.

Mafurude accepta avec enthousiasme la proposition de Mokuren, ce qui la fit sourire. Elles allaient bientôt arriver à Hotadraga, on aperçevait déjà les premiers champs et rizières. Alors qu'elles marchaient, Mafurude fit à son tour une proposition à Mokuren. Aller manger après la visite? Pourquoi pas. Mokuren n'avait pas pu se promener en ville depuis longtemps, mais elle la connaissait comme sa poche. Elle connaissait d'ailleurs un marchand qui vendait les meilleurs pâtisseries de la ville.
Après mûre réflexion, elle se tourna vers Mafurude.

- C'est avec plaisir que j'accepte votre proposition, dit-elle d'une voix neutre mais enthousiaste.

Les champs s'agrandissaient au fur et à mesure qu'elles avançaient. La ville était proche. Yuki courait déjà sur le chemin, prenant garde à ne pas aller dans l'eau, connaissant la punition qui l'attendrait.

(HRP : suite à Hotadraga)